La parole aux mineurs #1 – Seb Gouspillou

Cet article fait partie du Kalendrier de l’Avent 2019. Il s’inscrit dans un cycle d’articles sur le minage du Bitcoin, dont Le Minage du Bitcoin et Merged Mining, le minage de demain ? .

Lors de l’élaboration du Kalendrier de l’Avent (qui consiste, pour rappel, en une série d’articles abordant différents sujets, tous liés à Bitcoin), il est rapidement apparu quelques thèmes principaux : le fonctionnement du protocole Bitcoin, les améliorations à venir de ce protocole, le Lightning Network et, bien sûr, le minage. Concernant ce dernier domaine, nous avons la chance en France de compter de nombreux professionels, incarnés par des entreprises comme Sesterce, Bigblock Datacenter ou encore Just Mining. L’idée s’est donc présentée naturellement de leur donner la parole, pour qu’ils nous communiquent leur point de vue d’insider.

Aujourd’hui, c’est donc Sébastien Gouspillou, CEO de Bigblock Datacenter, qui répond à nos questions. Un grand merci à lui pour son temps et sa bienveillance !

Une question qui intéresse au premier plan les mineurs est celle de la rentabilité : est-ce que je vais, en minant du Bitcoin, réussir à en extraire assez pour couvrir mes frais d’électricité, rentabiliser ma machine de minage, et même dégager du profit ? Globalement, est-il rentable de miner en France ? Ou bien est-il indispensable de délocaliser la production ?

Sébastien Gouspillou : Globalement, le prix de kWh pour la rentabilité baisse. La compétition se joue là. Pour obtenir du kWh bon marché, il faut accéder à des surplus de production. La France a une organisation de distribution efficace, il y a peu de « gisements » d’électricité fatale, et les travailler demanderait une volonté d’EDF. En attendant, même aux meilleures conditions d’achat, le Mining reste non suffisamment rentable en France.

On entend souvent dire que le minage est nocif pour l’environnement, mais il y a aussi de plus en plus d’études qui pointent du doigt l’impact bénéfique de cet industrie sur le développement des énergies renouvelables. Depuis votre point de vue interne, quel est votre avis sur ce sujet ?

SG: Dès lors que pour l’essentiel, et de plus en plus, les mineurs utilisent des surplus hydroélectriques, non seulement ça n’a pas d’impact sur l’environnement, mais ça contribue à consolider les entreprises hydroélectriques, à financer leurs infrastructures, à rentabiliser des projets de centrales qui sans subventions ne verraient pas le jour.

Certains anticipent à chaque halving une spirale de la mort pour Bitcoin, où les mineurs débranchent leurs machines en masse car ils ne sont plus rentables. Il est vrai que le prochain halving est particulier car c’est le premier où le taux d’inflation de Bitcoin passera en dessous de celui des banques centrales. Qu’en pensez-vous ?

SG: La spirale de la mort est un fantasme. Une baisse très forte et momentanée du hashrate est possible après halving, oui, mais ca n’est en aucun cas une menace pour Bitcoin.

On imagine des problématiques de sécurité assez lourdes liées à l’industrie du minage du Bitcoin. Comment cela s’incarne-t-il au quotidien ?

SG: Effectivement, c’est un sujet très important, chez nous, c’est géré par le cofondateur, Jean-François Augusti, ingénieur IT spécialisé en sécurité, avec une expérience forte en banque. Il faut ce niveau de compétence pour se sentir protégé. 

Vous êtes un acteur professionnel du monde du minage en France. Quelle est la position des différents institutionnels auxquels vous avez eu affaire dans le cadre de vos activités (Chambre du Commerce et de l’Industrie, etc.) ?

SG: Toujours une approche ouverte et curieuse.

Pensez-vous que nous verrons bientôt des Etats miner du Bitcoin ? Et l’assumer ? Notamment en France ?

SG: Oui, bien sûr. Certains pays minent déjà, sans le crier sur les toits, d’autres y viendront et ne s’en cacheront pas. La France, gros pays producteur devrait bien sûr avoir une politique de chasse à l’électricité fatale via le Mining. C’est une évidence qui apparaît aux yeux de nombre de nos interlocuteurs chez EDF, le message circule et c’est un sujet qui s’imposera au fil du temps. Bruno Le Maire, lors de notre rencontre à Bercy m’a sollicité pour que je lui adresse une note sur le sujet. Ce fut fait, j’attends un retour de son équipe,cela viendra. Le cas Hydroquebec au Canada est révélateur, une politique ouverte au mining à énormément aidé l’entreprise nationale dans ses résultats. D’ailleurs, l’actionnaire unique étant l’Etat, on peut considérer que le Canada est un pays qui mine très officiellement.

Que pensez-vous de l’aspect centralisé du minage ? Même sans parler des pools, il faut admettre que le coût des Asics est une barrière à l’entrée importante, qui nuit à la décentralisation du réseau. Quel impact voyez-vous à cet état de faits ? Dans le même registre, que pensez-vous du nombre réduit d’entreprises compétitives proposant du matériel de minage ?

SG: La décentralisation du Mining est très suffisante. De grosses zones, certes, mais une multitude de propriétaires d’Asics. Dans l’ancien monde, rien n’est comparable en terme de process industriel partagé et décentralisé. Oui, il y a assez peu de fabricants, mais suffisamment pour ne pas craindre une main mise de Bitmain sur le minage.

Pensez-vous que le rythme d’amélioration d’efficacité des machines de minage se maintienne dans les prochaines années, ou bien anticipez-vous une accélération ou un ralentissement ?

SG: Toujours risqué de prédire l’avenir, technologique ou pas. J’ai l’impression que sur cette technologie asic, on arrive au bout du travail sur l’optimisation des puces; il est possible que les nouveaux bonds en terme d’efficacité énergétiques seront dûs à l’arrivée d’une autre technologie, que l’on ne connaît pas encore. Quoi qu’il en soit, Bitcoin a cette capacité à stimuler de la R&D, il est vertueux en terme de progrès techniques, et cela, c’est indéniable…

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.