Les fluctuations du prix du Bitcoin ont tendance à polariser l’attention, y compris au sein de la cryptosphère, en particulier lorsque celui-ci chute, comme ce fut le cas récemment. Les discussions se concentrent alors sur des questions comme « Bitcoin est-il réellement une réserve de valeur ? » ou « Le modèle Stock-to-Flow est-il finalement valide ? ». Ces questions sur le prix sont certes intéressantes, mais elles ont tendance à focaliser l’attention sur ce seul aspect, alors que d’autres restent dans l’ombre, et ne sont d’ailleurs souvent pas reflétés dans le prix. Par exemple, et le lecteur l’aura deviné au titre du présent article, la résistance à la censure de Bitcoin (censorship resistance) n’est pas encore réellement pricée (c’est-à-dire prise en compte dans la valeur du Bitcoin), et ne devrait l’être que lorsque la censure se fera plus apparente et restrictive, notamment en Europe ou aux Etats-Unis. En attendant, la résistance à ladite censure est, elle, déjà effective.
De quoi parle-t-on ?
Lorsqu’on parle de résistance à la censure dans le cadre de Bitcoin, cela désigne l’impossibilité, pour quelque entité que ce soit, d’empêcher une transaction Bitcoin d’advenir. Comme le décrit régulièrement le compte Twitter Rhythm :
Ce qui nous intéresse ici est cette phrase précise, traduite par mes soins :
“Aucun gouvernement, banque ou partie tierce n’a eu à vérifier la transaction, et aucun n’aurait pu l’arrêter s’il l’avait voulu”
Ce qui fait la résistance à la censure de Bitcoin, c’est qu’à compter du moment que je dispose de ma clé privée et que je suis le seul à en disposer, je peux envoyer mes bitcoins quand je le souhaite et à n’importe qui disposant d’une adresse Bitcoin, où qu’il ou elle soit dans le monde. Je suis la seule personne à contrôler mes fonds, personne n’administre ou ne processe ma transaction. C’est à double tranchant, car cela signifie que la transaction ne pourra pas être annulée (en cas d’erreur par exemple), mais c’est le prix à payer pour un tel degré de résistance à la censure.
Le seul moyen pour une entité (un Etat, par exemple) d’empêcher temporairement une transaction Bitcoin serait de contrôler une part suffisament importante de la puissance de calcul totale pour être sûr de valider plusieurs blocs consécutifs, et ainsi s’assurer de ne pas y insérer la transaction qu’elle veut empêcher. Mais c’est une mesure très temporaire et extrêment dispendieuse : contrôler ainsi 51% du hashrate total pendant une heure coûterait ainsi la bagatelle de 770 000 dollars à l’heure actuelle. Et il est statistiquement possible que quelqu’un d’autre valide le bloc suivant, malgré tous ces efforts.
Et si un Etat coupe l’accès à internet ?
Reste une solution, à la portée des Etats, pour empêcher l’envoi d’une transaction Bitcoin : couper purement et simplement l’accès à internet dans ce pays. On a d’ailleurs vu récemment des exemples de pays coupant ou restreignant l’accès à internet, comme l’Irak ou l’Inde.
Mais même cette solution radicale n’assure pas d’empêcher la transaction d’avoir lieu. En effet, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour s’affranchir de la dépence du réseau Bitcoin à Internet. La plus connue d’entre elles est sans doute celle de Blockstream, qui a déployé un réseau de satellites diffusant les blocs à mesure qu’ils sont ajoutés à la blockchain Bitcoin. S’il faut avoir accès à une station au sol pour envoyer une transaction, il suffit d’une simple parabole pour recevoir les nouveaux blocs.
Mais il existe encore d’autre alternatives. En mars de cette année par exemple, des développeurs ont pu réaliser une transaction sur le Lightning Network entre le Canada et les Etats-Unis en utilisant… des ondes radio.
Ainsi, même si un pays coupait internet localement pour empêcher la diffusion de transactions Bitcoin, il serait toujours possible de l’envoyer par ondes radio jusqu’à un pays limitrophe ayant encore accès à internet, où elle pourrait être soumise au réseau pour être ajoutée au ledger.
Il serait même techniquement envisageable de transmettre des transactions par faisceau lumineux, voire à l’aide de signaux de fumée, à condition de s’entendre sur une convetion commune d’encodage/décodage. Et c’est sans compter la possibilité de se passer du Bitcoin de main en main, off chain, au moyen de clés Opendime par exemple.
Conclusion
Ainsi, la façon la plus certaine et la moins coûteuse d’empêcher durablement une transaction serait de couper internet localement, tant la bloquer directement au niveau du protocole Bitcoin se révèle coûteux et très temporaire. Mais même une méthode aussi définitive ne serait finalement qu’un coup d’épée dans l’eau, à mesure que des alternatives sont implémentées pour permettre à Bitcoin de s’affranchir d’internet.
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